Chroniques d’émigrés
Allemands et autrichiens à Aix-en-Provence de 1933 à 1939
Pierre FOUCHER

(Extrait de « Les Camps en Provence », Exil, Internement, Déportation
1933 – 1942
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Les résidents en pays d’Aix à l’avènement du régime nazi
En 1928, venant de Nuremberg, étaient arrivés à Aix-en-Provence le peintre Léo Marschütz et sa compagne Anna Kraus. Ils étaient bientôt installés à Château-Noir, sur la commune du Tholonet, dont la propriétaire, Mme. Vieil-Tessier, accueillait régulièrement des artistes venant en pèlerinage sur ce site cézannien : c’était, pour Marschütz, le début d’un séjour ininterrompu de près de cinquante ans, jusqu’à sa mort survenue le 4 janvier 1976.
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Dans le courant de 1923 arrivait un autre peintre d’inspiration cézannienne, bien qu’originaire de Prusse Orientale et Berlinois d’adoption, Werner Laves, qui s’installa dans la maison « Maria ». Très vite, une franche camaraderie unit les trois allemands. Laves ne devait quitter le Tholonet qu’à la déclaration de guerre.
Dans les années qui suivirent, le trio Marschütz – Kraus – Laves constitua le noyau d’une « colonie » d’exilés dont le effectifs varièrent au fil des années, voire des saisons. Ils étaient en relation, dès 1932 semble-t-il, avec un personnage qui, s’il ne partageait pas encore leur condition, allait cependant les fréquenter assidûment : Sigmar Kaufmann, né en Autriche – Hongrie, détenteur d’un passeport albanais, germanophone, courtier en houblon, divorcé et qui avait acheté le 9 avril 1931 une propriété dans le quartier de Mouret, route des Pinchinats, qu’il loua trois étés de suite, de 1934 à 1936, tandis que lui-même voyageait pour affaires, à l’écrivain Ernst Erich Noth, alors en exil. Dans ses Mémoires, Noth le compte au nombre des membres de la colonie allemande réfugiée de l’époque et laisse entendre que son passeport albanais ne garantissait pas qu’il eût cette nationalité. C’est également l’avis d’un autre réfugié, John Rewald. Kaufmann, qui s’était remarié entre-temps, quitta Aix avec sa seconde femme et ses enfants fin 1941 ou début 1942 pour le Brésil, après avoir donné procuration pour la gestion des ses biens à l’épouse suisse d’un Allemand réfugié et naturalisé français.

Les émigrés de la première heure
1933 : courant avril arrive au Château-Noir un couple de commerçants, Fritz et Erna Felheim (celle-ci née Bier), originaires de Nuremberg. Ils avaient été chassée par les mesures de boycottage décidées le 1er avril à l’encontre des commerçants juifs et venaient rejoindre en exil Léo Marschütz, le cousin germain d’Erna.

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