Exposition Cézanne de 1953 Aix en Provence
Cézanne. Peinture, aquarelles, dessins.
Aix en Provence, Musée Granet, 30 juin – 3 août 1953
Nice, Musées Massena, 8 août – 12 septembre 1953
Grenoble, Musée des Beaux-Arts, 15 septembre – 18 octobre 1953
Catalogue : Avant-Propos de Georges Salles et Préface de Jean Leymarie
In 8°, 43 p. pl., addendum
Imprimerie Mourlot frères, Paris
Sur la couverture P. Cézanne.
(Un exemplaire du catalogue se trouve à la Bibliothèque Forney à Paris)
Avant-Propos
Il y a des gens qui ne manquent ni d’originalité, ni d’audace. Tels sont ceux ou plutôt celles qui ont eu l’idée de célébrer à Aix même le maître d’Aix et de ramener pour un mois dans la ville où naquit, vécut, travailla et mourut Cézanne quelques-unes des toiles qui en étaient sorties.
Déjà Nice avait, l’an dernier, pris l’initiative d’honorer Renoir sous le ciel même qui avait réfléchi ses derniers regards. Aix par contre n’avait jusqu’à ce jour rien montré de Cézanne, aucune exposition n’y avait eu lieu. Seuls les paysages nous parlent de lui et nous renvoyaient son nom, mieux inscrit dans les choses que sur les registres des naissances et décès.
Nous visitions à Aix le site élu, l’atelier de plein air où avait navigué ce découvreur, la terre dans laquelle s’était enraciné son génie pour monter droit jusqu’aux cimes. Aix nous montrait de vivants Cézannes. Mais la confrontation ne se faisait qu’en nous- mêmes, car l’œuvre, présente en nos mémoires, était absente de la ville.
Aussi faut-il remercier Mme Martinaud-Deplat d’avoir été l’animatrice résolue de cette exposition qu’a réalisée Mme Guynet-Pechadre, avec le concours de M. J. Leymarie.
Grâce à elle notre œil peut aller de la toile aux modèles, des vibrations de la couleur à celles de la lumière, et voir la beauté cézannienne retrempée dans l’élément qui l’a engendrée.
Par les envois importants du Metropolitan Museum de New-York, de l’Art Institute de Chicago, des collections Sam Salz, Alex Lewyt, Wildenstein … les Etats-unis participent à cet hommage, qui, nous l’espérons, est la préface d’une institution plus durable. Deux américains, fervents admirateurs de Cézanne, James Lord et John Rewald, ont en effet réussi à former un Cezanne Memorial Committee qui groupe tous ceux, si nombreux aux Etats-Unis, qui admirent l’œuvre du maître d’Aix. La maison du chemin des Lauves, sous peu sans doute acquise sur des fonds réunis par le comité, deviendra un sanctuaire où sera honorée la mémoire de Cézanne, ainsi qu’un centre de documentation sur sa vie et son œuvre. Les bénéfices de l’exposition iront à cette fondation, à laquelle déjà ont été faites deux donations : un dessin offert par John Rewald, une aquarelle offerte par Bernheim de Villers.
Tous ceux qui ont permis par leurs prêts de réaliser cette exposition auront donc contribué à reloger Cézanne là où chacun le cherche. Que le musée de Bâle, que les musées et collectionneurs français en soient ici remerciés.
Georges SALLES
Directeur des Musées de France
Préface
« Les grands paysages classiques – notre Provence, la Grèce et l’Italie telles que je les imagine – sont ceux où la clarté se spiritualise, où un paysage est un sourire flottant d’intelligence aiguë ».
On a pu voir en 1951 les toiles de van Gogh en Arles et à Saint-Rémy. La vue panoramique de la Crau retrouvait son motif, immobile sous la haute clarté torride. Plus loin, vers les Alpilles, des torches de cyprès crépitaient au mistral, entraînant dans leurs flammes leur propre incendiaire. Aux Ponchettes de Nice, l’été dernier, Renoir à l’inverse déroulait sa paresse d’or dans le jardin des Hespérides. En accueillant enfin Cézanne sur son propre terroir, la ville d’Aix nos offre l’occasion cette années d’une confrontation plus significative encore. Car des trois grands interprètes contemporains de la Provence, c’est à la fois le plus fidèle et le plus audacieux … « Il la crée, cette seconde nature, que tous reconnaissent comme l’essence de la Provence et que tous devraient reconnaître comme l’essence du langage pictural moderne, » conclut magnifiquement Lionello Venturi. Enfant du pays dont il « aime tant la configuration », il s’enracine à ce sol dur jusqu’à vouloir en pénétrer les « assises géologiques » pour mieux suspendre dans l’espace le cristal de la lumière. Comment parcourir désormais cette campagne vraiment sublime sans épouser aussitôt sa vision, tendue entre la Chine et Poussin ? La montagne Sainte Victoire dont le profil immuable veille déjà sur la plaine terrestre au bas du Couronnement de la Vierge d’Enguerrand Charonton et resurgit dramatiquement dans le Polyphème de l’Ermitage ne l’obsède pas moins que ne le fit pour Greco le fantôme de Tolède. Elle impose jusqu’à l’ordonnance cachée de ses natures-mortes, où les draperies tumultueuses et pétrifiées se soulèvent en forme de cône. Cézanne a trouvé « devant lui », dès sa naissance, le rythme souverain que les architectes de la peinture tiraient jusque-là de leur esprit. D’où le renversement fondamental de sa démarche et son obstination à « refaire Poussin sur nature ». Il a lutté toute sa vie pour se perdre à rejoindre ce nombre d’or aux « contours fuyants ».
« Il y a une logique colorée, le peintre ne doit obéissance qu’à elle, jamais à la logique du cerveau ». En quelques formules maladroites et profondes, aussi souvent trahies que citées, il a tenté de révéler obscurément le secret de son art : « Pour les progrès à réaliser, il n’y a que la nature et l’œil s’éduque à son contact. Il devient concentrique à force de regarder et de travailler. Je veux dire que dans une orange, une pomme, une boule, une tête, il y a un point culminant ; et ce point est toujours, malgré le terrible effet lumière et ombre, sensations colorantes – le plus rapproché de notre œil ; les bords des objets fuient vers le centre placé à notre horizon ». Loin de soumettre à la géométrie la réalité, il se hausse jusqu’à elle et s’efforce humblement de l’atteindre par la musique, par la « modulation ». Gasquet rapporte que ses yeux finissaient par « saigner » sur le motif, et qu’en rentrant le soir il étreignait dans sa ferveur l’olivier du chemin des Lauves. Le 15 octobre 1906, le jour même où l’orage allait le terrasser en plein champ, les pinceaux à la main, il venait d’écrire à son fils son ultime message qui d’avance répond à tous ses utilisateurs théoriques : « les sensations faisant le fond de mon affaire, résumait-il, je crois être impénétrable ». Rilke a le mieux senti sa grandeur exemplaire et son tourment : « il était nécessaire à cette peinture, dit il, de dépasser l’amour ». Cézanne s’est absorbé totalement dans son œuvre pour que rayonne un art plus vrai que la nature et que s’ouvre à la vie renaissante le style le plus pur.
Jean LEYMARIE
Conservateur du musée de Grenoble.
Cette exposition a été organisée sous les auspices de la ville d’AIX-EN-PROVENCE et de la ville de NICE par la direction des Musées de France et la Direction des Musées de NICE avec le concours de M. le Conservateur du
Musée de GRENOBLE et de
Mme MARTINAUD-DEPLAT
Elle a pu être réalisée grâce à l’aide généreuse :
DU METROPOLITAN MUSEUM DE NEW YORK
DE L’ART INSTITUTE DE CHICAGO
DU MUSEE DES BEAUX-ARTS DE BALE
DU DEPARTEMENT DE PEINTURES
ET DESSINS DU MUSEE DU LOUVRE
DE LA DIRECTION DES DOMAINES
DE LA COMPAGNIE TRANSATLANTIQUE
DE LA DIRECTION DES DOUANES
DE LA DIRECTION DES ŒUVRES A L’ETRANGER
de Mmes :
Mlle DONNAT
La Baronne de GOLDSCHMIDT-ROTSCHILD
La Baronne GOURGAUD
Mme HENRI MATISSE
Miss SARAH ROOSEVELT
de MM. :
Gaston BERNHEIM DE VILLERS
PAUL BRAME
NOTE BIBLIOGRAPHIQUE
L’ouvrage fondamental est celui de L. Venturi, Cézanne, son Art, son œuvre, Paris, 1936, II vol. (en abréviation V.) comportant une étude critique, un catalogue scientifique et la bibliographie jusqu’en 1936. Une réédition augmentée et revue est en préparation.
Le livre important de B. Dorival, Cézanne, Paris, 1948, complète la bibliographie jusqu’en 1947 et rassemble une utile documentation.
La correspondance de Cézanne a été recueillie et présentée par J. Rewald, Paris, 1937. Des souvenirs et témoignages précieux ont été publiés par A. Vollard (1914), E. Jaloux (1920), C.Camoin, E. Bernard, J. Gasquet, M. Laforgue (1921), G. Rivière (1923), L. Larguier (1925).
Des nombreuses publications, il convient essentiellement de citer :
1° d’un pointe de vue plus strictement biographique et documentaire :
G. Mack, Paul Cézanne, Londres, 1935
J. Rewald, Cézanne, sa vie, son œuvre, son amitié avec Zola, Paris, 1939.
Le catalogue de l’exposition Cézanne à l’Orangerie, Paris, 1936, avec les numéros spéciaux de l’Amour de l’Art et de la Renaissance publiés à cette occasion.
2° d’un point de vue plus spécialement critique :
J. Meier-Graefe, Cézanne und sein Kreis, Munich, 1922
R. Frey, Cézanne, a study of his development, Londres 1927
F. Novotny, Cézanne und das Ende der wissenschaflichen Perspektive, Vienne, 1938
M. Shapiro, Cézanne, New-York, 1952
CEZANNE MEMORIAL COMMITTEE
MM.PAUL J. SACHS
CARROLL S.TYSON
JOHN HAY WHITNEY
HENRI P. MacILHENNY
GESTLE MACK
JOHN REWALD
ERICH MARIA REMARQUE
JAMES LORD